« Faut m’excuser monsieur, je vous ai pas vu… »

« Faut m’excuser monsieur, je vous ai pas vu… »

Cette voix, c’est la première fois qu’il l’entend. Il a l’impression qu’il est allongé sur la route depuis des heures. Il a mal, il a froid, très froid.

Il tourne la tête vers l’homme qui vient de parler. Un gamin, tout juste dix-huit ou dix-neuf ans. Il comprend. C’est le conducteur de la voiture.

Il ne voit pas quoi lui dire. Il a envie de l’insulter, de lui crier sa haine au visage, mais il doit rester maître de lui-même, garder le contrôle.

Le gamin s’éloigne, sans rien ajouter.

L’homme à côté de Pierre le regarde, il a compris que Pierre n’a rien à dire à ce jeune homme. Il se dirige vers celui-ci, et l’éloigne de quelques mètres.

Pierre n’en revient pas de ce qu’il vient d’entendre.

« Je ne vous ai pas vu », quel genre d’excuse est-ce là ? Pierre est abasourdi. Il ne comprend pas. Le gamin n’a-t-il pas réalisé ce qui venait de se produire ?

Il tente de se remémorer les derniers instants avant le choc. Il a de la chance, il n’a pas perdu conscience sous le choc, il se souvient de tous les évènements, dans leurs moindres détails.

Il se souvient distinctement de la route, et surtout de la ligne blanche continue qui sépare les deux voies de circulation à cet endroit. Il est passé par là tant de fois, qu’il connait chaque détail de la route.

La situation est pourtant très claire. Il ne comprend pas en quoi le gamin peut considérer que ne pas l’avoir vu constitue une excuse valable.

Le gamin n’avait aucune raison de s’engager dans cette intersection. Il aurait dû respecter la signalisation et tourner à droite puisque cette ligne blanche continue l’empêchait de continuer tout droit ou de tourner à gauche. Il était obligé de tourner à droite.

Pierre ne comprend plus rien. S’est-il trompé ? A-t-il fait une erreur ?