Une bonne journée bien remplie

« Allez, il est temps de rentrer, se dit Pierre en enfourchant sa moto. Une bonne journée bien remplie. »

Aujourd’hui, le chef est venu le voir pour lui dire de partir à l’heure, et de ne pas faire d’heures supplémentaires. Dommage, il avait prévu un week-end moto dans deux semaines et aurait voulu cumuler suffisamment d’heures pour les récupérer et pouvoir prendre son lundi matin, histoire de revenir de week-end en évitant les bouchons le lundi matin au lieu du dimanche. Oh, et puis après tout, peut-être qu’il y arrivera malgré tout. Il posera la question demain.

Enfin, le week-end s’est bien passé. Dommage pour la panne de Stéphane. Ils avaient tenté de descendre en Camargue, mais le moteur deux-temps de la moto de celui-ci avait commencé à chauffer par manque d’huile passé les Salis de Giraud. Ils avaient donc été contraints de reprendre le bac dans l’autre sens, et une fois le carter d’huile rempli, il était tard en ce mois de novembre. Leur troisième compagnon de route, Cyril, avait décidé de rebrousser chemin. Ils s’étaient donc séparés et chacun était rentré chez soi, la balade prévue ayant été écourtée. Et puis c’était sans doute mieux. La nuit tombait de plus en plus tôt.

Le mistral soufflait fort en ce lundi quand Pierre sortit du bureau. Dommage pour le temps. Il avait envisagé de rentrer via Le Rove et la chaîne de Corbières pour rejoindre Gignac, mais cette route et l’A55 allaient être dangereuses avec le vent qui soufflait aussi fort ce jour-là.

« Tant pis, je suis bon pour rentrer par Vitrolles. Ce sera plus prudent que de recevoir le vent par le côté. Je n’ai pas envie de finir dans un fossé ou sous un camion. »

Contact, démarreur. On laisse le moteur tourner quelques instants, le temps qu’il monte en température. Pendant ce temps, il échange quelques banalités avec ses collègues sur le parking, en finissant de s’équiper.

Enfin, le moteur de sa Varadero se met à ronronner. Que de kilomètres avalés en sa compagnie depuis qu’il a acheté cette moto quelques mois plus tôt. La sensation de liberté est incomparable. Et les gens qu’il a rencontrés sont tous très sympathiques. Quelle bonne idée que ce forum de discussion sur internet, consacré à cette machine, la crème des 125 centimètres cubes.

Il se souvient du jour où il a pris sa décision et où il s’est inscrit. Les premiers échanges avaient étés très agréables, et puis cela lui permettrait sans doute de rencontrer des gens du cru plus facilement. Le travail l’occupe beaucoup depuis qu’il est arrivé à Marseille, et il n’a guère eu le temps de développer un réseau social digne de ce nom. Quelques rencontres fortuites, quelques occasions de sortir avec ses collègues de travail… Il est vraiment temps qu’il commence s’implanter véritablement dans la région, lui qui a passé ces dernières années dans les cartons, à changer d’emploi et d’endroit au gré des différents contrats à durée déterminée qui lui étaient proposés.

La première balade avait eu lieu vers le 10 août. La « semaine 33 » comme ils l’avaient appelée. Il se souvenait encore de ces deux journées formidables.